Alimenter vos Ayrshires
Combler adéquatement les besoins en protéines métabolisable tout au long de la lactation
En bref
Comprendre le décrochage : quand la production baisse brusquement
Ce texte revient sur les causes d’une baisse soudaine de production observée chez certaines vaches Ayrshire, évoquées pour la première fois dans un article de la Revue Ayrshire Canadienne de 2023. Il rappelle l’importance de bien combler les besoins nutritionnels en protéines métabolisables et propose des pistes concrètes pour détecter, prévenir et corriger ce phénomène.
Un terme à retenir (ou à intégrer à votre vocabulaire) : le décrochage
Ayrshire Canada a mis en lumière des baisses soudaines et souvent inexplicables de la production laitière chez certaines vaches. Cette réalité, qui n’est ni nouvelle ni unique à la race Ayrshire, affecte les performances de production. Pour désigner ce phénomène, le terme « décrochage » a été retenu.
Le décrochage se définit par une baisse marquée de la persistance de la production de lait, soit une diminution de plus de 10 points entre deux tests de contrôle laitier. Il s’exprime par un indice de persistance de 80 %, au lieu des 90 % habituellement attendus, et ce, sans raison valable. Si, au contrôle suivant, la production remonte brusquement à 110 %, cela indique généralement que la chute précédente était le résultat d’un mauvais contrôle, et non d’une baisse réelle de performance.
Si ce type de fluctuation soudaine se répète (une chute sans rebond de production), ce n’est plus un hasard : votre troupeau est probablement touché par le décrochage. Il est crucial de vous y attarder et d’apporter des correctifs rapides pour préserver la rentabilité de votre entreprise et la santé du troupeau.
Tableau 1 et Tableau 2 : Les vaches AY80 (lact. 2 et 3) et 1646 (lact. 4) démontrent un décrochage réel, à l’inverse dans le Tableau 3, la vache 6654 qui démontre seulement un mauvais contrôle.



Une analyse approfondie menée par Catherine Chaput* d’Agrinova etproduite à partir des données de 186 troupeaux Ayrshire sur trois ans est révélatrice : certains troupeaux sont peu touchés par le décrochage, alors que d’autres en subissent fortement les effets.
Dans le tableau 4, le troupeau 1006 affiche un taux de décrochage de 18 % (excellente performance), tandis que, pour le troupeau 1014, le décrochage atteint 80 % des vaches.
L’analyse met également en lumière un lien entre le potentiel génétique élevé en protéines et une plus grande vulnérabilité au décrochage. Autrement dit, les vaches les plus performantes sur le plan génétique voient leurs besoins nutritionnels s’intensifier, notamment en protéines métabolisables. Si ces besoins ne sont pas comblés adéquatement, le risque de décrochage augmente.
Protéine métabolisable : la pierre angulaire de la production laitière
Contrairement au gras, la vache laitière ne dispose d’aucune réserve de protéines. C’est donc la ration qui doit combler adéquatement les besoins. Chez la race Ayrshire, reconnue pour son excellent rendement en protéines, cette réalité est d’autant plus importante. Ainsi, une carence alimentaire, même temporaire, se traduit rapidement par une baisse de la performance.
Au début de la lactation, alors que la vache atteint son pic de production, les taux de protéines sont généralement plus bas, tandis que le rendement en lactose, qui détermine le volume de lait produit, est à son maximum. À mesure que la lactation progresse, le volume de lactose diminue, mais la concentration en protéines augmente. À ce stade, c’est le potentiel génétique de l’animal qui devient le principal facteur influençant le pourcentage de protéines dans le lait. Il est d’une importance cruciale de répondre adéquatement aux besoins en protéines métabolisables tout au long du cycle de lactation.
Rappelez-vous que la protéine métabolisable correspond à la somme de la protéine microbienne digestible (produite dans le rumen) et de la protéine non dégradée, mais digestible.
C’est cette protéine métabolisable qui permet à la vache de synthétiser les protéines du lait, dont l’alpha-lactalbumine essentielle à la production de lactose, et donc au volume de lait produit.
Une carence en protéines métabolisables de 55 g/jour peut entraîner une baisse de 1 kg de lait/jour en plus d’une cascade de conséquences : surengraissement, vêlages difficiles, acétonémie, baisse de fertilité, diminution des revenus, hausse des frais vétérinaires, etc.
Petit rappel :
- Un déficit de 55 g/jour entraîne une perte de 1 kg de lait/jour.
- Une vache produisant 27 kg de lait à 3,4 % de protéines aura besoin de 1 311 g de protéines métabolisables/jour uniquement pour sa production laitière.
- Une vache à 20 kg et à 4,5 % a les mêmes besoins qu’une autre à 30 kg et à 3 %, soit 1 286 g/jour.
Alors… Le décrochage est-il inévitable? Non. Ou du moins, il peut être grandement atténué. Est-il uniquement d’origine génétique? Certainement pas. Sinon, il n’y aurait pas autant de variabilité entre les troupeaux. La vache Ayrshire est-elle différente? Oui, mais surtout parce qu’elle produit beaucoup de protéines! Offrons-lui ce dont elle a besoin et elle nous le rendra.
Le décrochage est un signal. Un appel à réagir. Il est souvent lié à des besoins nutritionnels non comblés. Soyons vigilants aux données et agissons promptement.
* Catherine Chaput, agr., M. Sc., chargée de projet en recherche et innovation, Agrinova